Moi aussi j’ai été traitée de pisseuse. Quoi de plus beau qu’une fille accroupie dans l’herbe, un peu cachée et à la fois très exposée en train de créer un ruisselet dans la terre promise. Quel moment d’intimité sublime au milieu de tout.
Quel bonheur ! Une communion totale.
–  Je peins des pisseuses. Comment ? des quoi ?
–  des pisseuses.
Pourquoi fallait-il que je répète plusieurs fois, comme s’ils n’avaient pas entendu. Comme si ce mot ne pouvait être utilisé et identifié que dans l’agressivité ou l’abaissement.
–  Oui des p’tites pisseuses, des filles qui font pipi.
Mais pourquoi fais-tu cela me disent les filles, quelle drôle d’idée l’œil pétillant me demandent les garçons.
–  Ben non, cela n’a rien de pornographique.
Parce qu’une pisseuse est merveilleuse
C’est de l’ordre du sublime, une énergie douce qui coule en nous et parfois nous submerge, c’est une libération qui n’a pas d’autre but que de couler, ni plus loin, ni plus fort, ni plus longtemps. Dans l’isolement d’un bosquet, d’une clairière ou à la limite entre deux portières; mais c’est risqué, car il ne dépasse que ce que l’on veut le plus cacher. Se cacher, cacher son secret, ne révéler que la trace sur la terre. Une petite fumée l’hiver nous montre qu’à l’intérieur c’est chaud,
vraiment très chaud…